Scilla maritima L. Baker
Scilla maritima
International Programme on Chemical Safety
Poisons Information Monograph 479
Plant
1. NOM
1.1 Nom scientifique
Scilla maritima L. Baker
1.2 Famille
Liliacées
1.3 Nom(s) commun(s) et synonyme(s)
Scille; scille maritime; oignon marin;
charpentaire; squille; grande scille;
squill (anglais); escila (espagnol)
2. RESUME
2.1 Principaux risques et organes cibles
La scille agit comme tonicardiaque et comme diurétique.
Les effets de la scille rappellent ceux de la digitale,
toutefois ils sont moins intenses et procèdent d'un mécanisme
assez diffèrent.
La scille entraine des troubles du rythme et de la
conduction, pouvant conduire à un arrêt circulatoire; ceux-ci
sont habituellement précédés par des troubles digestifs et
neurosensoriels.
2.2 Résumé des signes cliniques
- Troubles digestifs: nausées, vomissements, douleurs
abdominales et diarrhées.
- Troubles cardiaques:
* troubles du rythme: bradycardie
* troubles de la conduction: bloc auriculoventriculaire
* troubles de l'excitabilité avec extrasystoles
ventriculaires.
- Troubles neurosensoriels plus tardifs: somnolence ou
agitation, céphalées et asthénie.
- Troubles oculaires plus fréquents dans les cas de surdosage
médicamenteux: vision floue ou dyschromatopsie.
- Atteinte rénale avec oligoanurie.
2.3 Diagnostic
Le diagnostic d'intoxication par la scille est fondé sur
l'anamnèse et/ou sur la survenue de nausées et de
vomissements abondants, voire de troubles de la vision,
rapidement après l'ingestion de tout ou partie de bulbe, ou
de préparations pharmaceutiques à base de scille.
Les vomissements spontanés ou provoqués, ainsi que les
liquides de lavage doivent être gardés pour identification
botanique et chimique.
2.4 Premiers gestes et principes de traitement
Dans les formes bénignes l'irritation digestive
(vomissements et diarrhées) permettra l'élimination de la
plante.
En cas d'ingestion massive et si le malade est vu
précocément: lavage gastrique ou vomissements provoqués
(sirop d'ipeca).
Dans les formes graves diriger le malade dans un service
spécialisé de réanimation. La kaliémie doit être dosée avant
tout apport thérapeutique, corriger l'hypokaliémie
eventuelle.
Réhydrater si troubles hydro-électrolytiques (pertes induites
par vomissements et diarrhées).
Surveillance et réanimation cardiaque. Traitement
symptomatique de la bradycardie (atropine ), du bloc
auriculo-ventriculaire grave (atropine, isoprénaline) et des
troubles de l'excitabilité ventriculaire (lidocaïne,
phénytoïne).
2.5 Parties toxiques
Seul le bulbe de la scille renferme les principaux
constituants qui sont des hétérosides: scillarènes A et B,
scillipicrine, scilline, scillitoxine, scilliroside (scille
rouge).
2.6 Principales toxines
Les principes actifs sont 2 hétérosides le scillarène A
et le scillarène B. Ils sont aussi toxiques que l'ouabaïne et
plus toxiques que la digitaline mais rapidement hydrolysés
dans le sang. Ils ne s'accumulent donc pas et leur toxicité
chez l'homme est faible.
3. CARACTERISTIQUES
3.1 Description de la plante
3.1.1 Caractéristiques essentielles permettant
l'identification
C'est une plante de la région méditerranéenne
vivace par un bulbe tuniqué ovoide, volumineux formé
d'écailles emboitées (représentant chacune une base de
feuilles), insérées sur un plateau qui porte de
nombreuses racines adventives (Paris & Moyse,
1967).
Il existe deux variétés de scille: la rouge et la
blanche, correspondant à deux "races chimiques". La
scille rouge possède en plus de la scille blanche des
pigments anthocyaniques et un hétéroside particulier
le scilliroside (Paris & Moyse, 1981).
Les feuilles sortent en touffe au printemps, elles
sont entières, allongées, étroitement oblongues,
lancéolées, d'un vert foncé, glabres, épaisses,
quelquefois ondulées et mesurant de 50 à 80 cm de
long.
L'inflorescence est une longue grappe dressée vert
pâle ou pourpre, à pédicelles alternes, minces,
accompagnés d'une bractée linéaire à base éperonnée;
la hampe florale peut atteindre 1 à 2 mètres; elle
n'apparait qu'en fin d'été alors que les feuilles sont
désséchées.
Les fleurs sont disposées serrées tout le long de la
grappe. La fleur a un réceptacle court, sur lequel
sont insérés 6 sépales étalés en étoile, subégaux,
légèrement unis à la base, ovales-aigus, blanc ou
teinté de vert; les trois sépales inférieurs sont
imbriqués.
Les étamines en couche de 6 sont unies à la base du
périanthe. Elles ont un filet court et une anthère
biloculaire, ovale oblongue, déhiscente par deux
fentes longitudinales.
L'ovaire, ovoide, lisse est surmonté d'un style dressé
que terminent 3 petits lobes stigmatifères.
Les ovules, en nombre indéfini, ascendants, sont
disposés dans l'angle interne de chaque loge en deux
séries verticales.
Le fruit est une capsule à 3 loges, renfermant chacune
3 à 4 graines aplaties; il est souvent accompagné du
périanthe désséché.
Les graines séchées, membraneuses, larges, noirâtres,
aplaties et dilatées en aile de chaque côté,
rapprochées les unes des autres, renferment un albumen
charnu et un embryon axile et rectiligne.
Le bulbe mérite une description plus détaillée
puisqu'il est le seul responsable de l'activité de la
plante.
Il est pyriforme, et peut atteindre 15 à 30 cm de
diamètre et son poids peut aller jusqu'à 3 à 4 kg.
Les écailles ou squames sont rougeâtres ou blanchâtres
selon la variété. Les écailles externes sont unies et
membraneuses, les écailles moyennes sont épaisses et
charnues.
Pour les conserver et faciliter le séchage au soleil
ou à l'étuve, les écailles sont coupées en lanières
transversales.
L'odeur est nulle, la saveur âcre et amère.
Du point de vue anatomique, on observe dans les
squames une structure de feuille: les épidermes sont
formés de cellules rectangulaires avec quelques
stomates.
Le mésophylle est un parenchyme à cellules polygonales
cellulosiques à parois minces, dont beaucoup
contiennent du mucilage entourant des paquets de
grosses raphides d'oxalate de calcium de 200 à 500
microns de long sur 5 à 15 microns de diamètre. Il
existe aussi des cellules à tanin et quelques petits
faisceaux libéroligneux.
La poudre de la drogue est brun rosée (variété rouge)
ou jaunâtre (variété blanche), inodore, de saveur âcre
et amère, elle est surtout caractérisée par la
présence de grosses raphides d'oxalate de
calcium.
3.1.2 Habitat
La scille pousse dans les terrains sablonneux
des côtes méditerranéennes essentiellement, mais aussi
sur les côtes atlantiques.
3.1.3 Aire de répartition géographique
La scille est spontanée sur les rivages
sablonneux de la mer Méditerrannée mais on la retrouve
aussi dans les pâturages, forêts et rochers (Quezel &
Santa, 1962).
Abondante en Sicile, Malte, Grèce, Espagne, Italie et
Liban, où l'on trouve la varieté blanche dite scille
d'Italie ou scille femelle.
En Algérie pousse la varieté rouge appelée scille
d'Espagne ou scille mâle (Paris & Moyse, 1967).
On la retouve sur les côtes atlantiques, au Portugal,
aux Canaries et au Maroc.
Il existe une variété de scille indienne Drimia indica
(Liliacée), dont le bulbe contient des glycosides
cardiotoniques similaires à ceux de la scille
(Reynolds, 1996).
3.2 Parties toxiques de la plante
Le bulbe renferme les principes actifs toxiques. Il peut
être confondu avec un bulbe d'oignon lorsqu'il est petit.
D'une façon générale le bulbe donne rarement des accidents
chez l'homme mis à part l'ingestion (effets systémiques) et
la rubéfaction que provoque sa manipulation à l'état frais et
dûe aux raphides d'oxalate de calcium.
3.3 Toxine(s)
3.3.1 Nom(s)
Deux hétérosides cardiotoniques du type
bufadiénolide: scillarène A cristallisé et scillarène
B amorphe. Dans la scille rouge existe en plus un
autre hétéroside, le scilliroside.
3.3.2 Description, structure chimique, stabilité
Les variétés blanche et rouge sont différentes
chimiquement.
La scille rouge possède un hétéroside particulier, le
scilliroside et des pigments anthocyaniques.
Les hétérosides cardiotoniques stéroidiques sont de
type bufadiènolide: au noyau
cyclopentanoperhydrophenanthrénique est fixé en C17 un
noyau lactonique hexagonal non saturé. (Paris et al,
1981)
Leur proportion est dans la bulbe sec de 0,30 à
0,40%.
Le scillarène A est cristallisé alors que le
scillarène B est amorphe et serait un mélange de
glucosides.
Le scillarène A représente la moitié ou les 2/3 des
hétérosides totaux. Sa structure est parfaitement
établie depuis 1935 par Stoll et Hoffman.
C'est un hétérobioside donnant par hydrolyse acide
deux sucres: d. glucose et l.rhamnose unis sous forme
de scillabiose, fixé sur le carbone 3 et une génine du
type bufadiènolide: la scillaridine A qui comporte 2
hydroxyles en 3 et 14 et 2 doubles liaisons dans le
noyau.
L'hydrolyse enzymatique conduit à une substance
intermédiaire la proscillaridine A et une molécule de
rhamnose.
Enfin l'hydrolyse plus poussée conduit à l'aglycone
primaire ou scillarénine qui comporte une double
liaison en 4-5.
D'autres hétérosides ont été séparés par
chromatographie. Ci-dessous un récapitulatif des
composés hétérosidiques avec leur formule brute et le
sucre accompagnateur (Gaignault, 1988).
GLUCOSIDE FORMULE BRUTE SUCRE (R)
Glucoscillarène A C42 H62 O18 2 glucoses +
1 rhamnose
Scillarène A C36 H52 O13 rhamnose +
glucose
Proscillaridine A C30 H42 O8 rhamnose
Scillarénine C24 H32 O4 H
Glucoscilliphoeside C36 H52 O14 glucose +
rhamnose
Scilliphoeside C30 H42 O9 rhamnose
Scillikryptoside - -
Scilliglaucoside C30 H40 O10 glucose
Scillicyanoside C32 H42 O12 glucose
Scillicoeloside C30 H40 O11 glucose
Scillicazuroside C30 H40 O11 glucose
Scilliroside (scille rouge) C32 H44 O12 glucose
Dans la scille rouge existe le scilliroside; il est
dédoublable en glucose fixé en 3 et scillirosidine.
La génine présente comme les précedents un anneau
lactonique hexagonal et une double liaison en 4-5;
elle comporte un groupement acétoxy en 6 et 2
hydroxyles alcooliques en 8 et 14. On rapporte les
propriétés raticides à la conjonction des
substitutions en 6 et 8.
3.3.3 Autres caractéristiques physico-chimiques
- Le scillarène A ou glucoproscillaridine A ou
transvaaline a un PM de 692,78; il est peu soluble
dans l'eau et l'alcool, insoluble dans l'ether et le
chloroforme; c'est une poudre cristallisée très
amère.
- Le scillarène B, amorphe est également très amer; il
est soluble dans l'éther et le chloroforme.
- La scillarénine cristallise dans le méthanol.
- Le scilliroside a un PM de 620,67; il cristallise
dans le méthanol. Il est soluble dans les alcools et
l'acide acétique, peu soluble dans l'eau, l'acétone,
le chloroforme. Insoluble dans l'éther et l'éther de
pétrole.
3.4 Autres constituants chimiques de la plante
- matières minérales (2 à 5 %) riches en oxalate de
calcium.
- mucilage (4 à 10 %)
- Les réserves glucidiques sont constituées essentiellement
par des fructosanes: sinistrine, scilline, glucosinistrine
comportant 4 molécules de fructose pour 1 de glucose.
- stérols
- tanins catéchiques et catéchols
- C-glucosyl-flavones (vitexine, orientine)
- pigments anthocyaniques dans la scille rouge: le principal
étant la chrysanthémine (cyanidine-3-monoglucoside) (Paris &
Moyse, 1967).
4. UTILISATIONS/CIRCONSTANCES DE L'INTOXICATION
4.1 Utilisations
4.1.1 Utilisations
4.1.2 Description
La scille est une drogue très ancienne, connue
des Egyptiens, des Grecs et des Arabes. Dioscoride,
Pline et Galien connaissaient ses effet cardiotoniques
et diurétiques.
Elle sort de l'oubli au 20ème siècle grâce aux travaux
de Stoll et Tissot qui lui permettent d'être de
nouveau prescrite.
Il y a quelques années de nombreuses préparations tels
que le vin et vinaigre de scille, une teinture et une
poudre étaient très largement utilisés.
Une décoction du bulbe dans l'huile d'olive est
utilisée pour ses propriétés anti-asthmatiques en
médecine traditionnelle.
On l'administre dans les affections cardiaques, si le
malade ne réagit pas à la digitaline ou entre deux
cures digitaliques.
La scille augmente toutes les sécrétions et notamment
les sécrétions bronchiques. Elle est administrée comme
expectorant et fluidifiant dans les bronchites et
pneumonies.
La scille rouge grâce au scilliroside qu'elle contient
a des propriétés raticides. Cet hétéroside qui est
aussi un cardiotonique agit chez les rongeurs sur le
système nerveux central comme convulsivant. La scille
rouge, émétisante à haute dose pour l'homme et les
autres mammifères, ne l'est pas pour le rat. Celui-ci
ne rejettant pas le poison, la scille est donc un
raticide de choix.
- Poudre de scille rougeâtre, amère, hygroscopique.
- Extrait alcoolique de scille
- Teinture de scille
- Vin diurétique ou vin de la charité
- Vinaigre de scille ou oxymel scillitique.
- Vin de digitale composé ou vin de trousseau
- Pilules de Lancereaux
- Cachets
- Potions
- Appât raticide à base de scille
4.2 Facteurs de risque de l'intoxication
- Ingestion accidentelle de bulbes immatures de petite
taille pouvant être confondus avec l'oignon frais.
- Ingestion des préparations de scille comme raticides.
- Irritation et rubéfaction de la peau et des muqueuses lors
des manipulations de découpage et de séchage des lanières de
scille.
- Surdosages lors de traitements médicamenteux ou de
préparations médicinales.
- Intoxications aigues volontaires médicamenteuses.
4.3 Zones géographiques à risque
La carte botanique de la scille se situe tout autour du
bassin méditerranéen et spécialement sur le littoral de
l'Algérie, Maroc, Tunisie, Espagne, Italie, Grèce, France,
Syrie, Sicile, Malte et Asie mineure.
5. VOIES D'EXPOSITION
5.1 Voie orale
- L'ingestion des squames de scille ou de ses produits
dérivés est responsable de l'intoxication.
5.2 Inhalation
Pas de données.
5.3 Contact cutané
Le contact des scilles fraiches provoque une
inflammation et une rubéfaction importantes de la peau et des
muqueuses.
5.4 Contact oculaire
La projection accidentelle de préparation de scille
pourrait provoquer une inflammation de la muqueuse
oculaire.
5.5 Voie parentérale
Pas de données.
5.6 Autres
Pas de données.
6. TOXICOCINETIQUE
6.1 Absorption selon la voie d'exposition
Par voie orale les préparations de scille sont absorbées
en moins de 10 minutes.
Pas de données pour les autres voies.
6.2 Distribution selon la voie d'exposition
La scille est un cardiotonique qui ne s'accumule pas
comme la digitale, mais se fixe davantage sur le myocarde que
l'ouabaine (Reynolds, 1978).
6.3 Demi-vie biologique
La demi-vie des hétérosides de la scille est assez
courte (2 à 3 h).
6.4 Métabolisme
Les hétérosides sont rapidement hydrolysés en une génine
(ou aglycone) et un ou plusieurs sucres dans le sang, ce qui
leur fait perdre leurs propriétés. Leur action est très
rapide mais fugace.
6.5 Elimination
Après hydrolyse l'aglycone s'élimine sous forme
inchangée dans les urines.
7. TOXICOLOGIE
7.1 Mode d'action
- Action sur le coeur: le scillarène se fixe faiblement
sur le myocarde. Son action est intermédiaire entre celles de
la digitale et de l'ouabaïne.
Il agit sur l'excitabilité, la contractilité et le rythme
cardiaque. L'effet cardiotonique est dû à une action
diastolique alors que ce qui prédomine dans la digitale est
une action systolique.
- Action sur la diurèse: la scille est diurétique par action
cardio-vasculaire comme la digitale mais aussi par action
rénale directe: elle augmente le débit sanguin au niveau du
rein (Chalmers & Gemmil, 1974).
La diurèse porte sur l'eau, les chlorures et les composés
azotés: la scille abaisse l'urée sanguine (Valnet, 1979). Il
est à noter que les préparations de scille sont plus
diurétiques que le scillarène: les fructosanes et les
pigments flavoniques en renforcent l'action.
- Action sur les fibres lisses: sur le tube digestif:
augmentation du tonus et du péristaltisme ce qui provoque
nausées, vomissements et diarrhées.
Sur les bronches: hypersécretion d'où l'action expectorante à
doses thérapeutiques.
A doses toxiques:
- Action sur le coeur: les hétérosides de la scille se fixent
faiblement sur le myocarde. Ils exercent sur le coeur une
action intermédiaire entre celle de la digitale et de
l'ouabaïne. L'action porte sur l'excitabilité, la
contractilité et le rythme. Cette action est de type
digitalique et peut s'exercer même en l'absence de
calcium.
- Action sur les fibres lisses: se manifeste par une
contraction des vaisseaux splanchniques avec atteinte
rénale.
Sur le tube digestif constriction importante provoquant
nausées, vomissements, douleurs abdominales et diarrhées.
- Action sur le rein: atteinte rénale avec oligoanurie.
- Action convulsivante chez les rongeurs du scilliroside de
la scille rouge.
L'action inflammatoire serait dûe aux cristaux d'oxalate de
Ca, longs quelquefois de 1mm responsables d'érosions cutanées
provoquées par leurs arêtes et permettant ainsi l'inoculation
des principes actifs de la drogue fraiche.
7.2 Toxicité
7.2.1 Données chez l'homme
7.2.1.1 Adulte
La dose toxique n'est pas connue
avec exactitude, cependant 3 à 5 g de poudre
de scille seraient mortels.
En ce qui concerne les scillarènes la dose
toxique est beaucoup plus basse et de l'ordre
de celle des digitaliques (50 à 100 mg).
7.2.1.2 Enfant
Les doses thérapeutiques sont de 10
à 20 mg par année d'âge et pour les enfants
de plus de 3 ans.
En ce qui concerne la poudre de scille, la
dose toxique est estimée aux alentours de 200
à 500 mg. Pour le scillarène la dose toxique
est de l'ordre de quelques milligrammes.
7.2.2 Données chez l'animal
Scillarène A + B
DL 50 chat IV: 0,18 à 0,62 mg/kg
DL 50 lapin per os: 0,9 mg/kg
DL 50 rat S/C: 10 mg/kg
Scillarène A
DL 50 chat IV: 0,15 mg/kg
Scillarénine
DL 50 rat per os: 0,7 mg/kg
Scilliroside
DL 50 rat per os: 0,7 mg/kg
Proscillaridine
DL 50 chat IV: 0,13 mg/kg
DL 50 rat per os: 0,73 mg/kg
(Windholz, 1983)
7.2.3 Données in vitro
Pas de données
7.3 Carcinogénicité
Pas de données
7.4 Tératogénicité
Pas de données
7.5 Mutagénicité
Pas de données.
7.6 Interactions
- autres cardiotoniques: synergie possible
- diurétiques
- comme dans le cas des digitaliques toute administration de
calcium est formellement contre-indiquée car pourrait
faciliter la survenue d'une fibrillation ventriculaire.
8. ANALYSES TOXICOLOGIQUES ET EXAMENS BIOCHIMIQUES
8.1 Echantillonage
8.1.1 Prélèvement de spécimens et d'échantillons
8.1.2 Stockage des spécimens et échantillons de laboratoire
8.1.3 Transport des spécimens et échantillons de laboratoire
8.2 Analyses toxicologiques et interprêtation
8.2.1 Test sur le(s) élément(s) toxique(s) des échantillons
8.2.2 Tests sur les spécimens biologiques
8.3 Examens biomédicaux et interprêtation
8.3.1 Analyse biochimique
8.3.1.1 Sang, plasma ou sérum
8.3.1.2 Urine
8.3.2 Analyse des gaz du sang artériel
8.3.3 Analyse hématologique
8.3.4 Interprétation des examens biochimiques
8.4 Autres examens biochimiques (diagnostiques) et interprétation
8.5 Interprétation globale de l'ensemble des analyses et examens
toxicologiques
8.6 References
9. SIGNES CLINIQUES
9.1 Intoxication aiguë
9.1.1 Ingestion
L'ingestion de scille ou de ses hétérosides
cardiotoniques causera une authentique intoxication
digitalique aigue dont le tableau clinique associe des
troubles digestifs, neurosensoriels et surtout
cardiaques, ces derniers étant responsables de la
gravité de l'intoxication.
- Troubles digestifs: précocement on notera des
nausées, vomissements, et parfois des diarrhées et
douleurs abdominales.
- Troubles neurosensoriels plus tardifs: obnubilation
et somnolence ou agitation avec angoisse, parfois
délire et hallucinations; céphalées, myalgies et
asthenie sont fréquentes.
- Troubles oculaires généralement rencontrés lors de
surdosage: vision floue ou tremblante, dyschromatopsie
ou scotomes scintillants. Les mécanismes de ces
troubles restent inconnus.
- Atteinte rénale fonctionnelle par toxicité directe
ou comme conséquence des perturbations hémodynamiques
ou des pertes digestives non compensées (Paris &
Moyse, 1981)
- Manifestations cardiaques: elles font tout le
pronostic de l'intoxication:
- Troubles du rythme: précoces, risque de bradycardie
voire d'asystolie.
- Troubles de l'excitabilité: extrasystoles bigéminées
trés précoces ou arythmies ventriculaires.
- Trouble de la conduction.
9.1.2 Inhalation
Pas de données.
9.1.3 Voie cutanée
L'inflammation de la peau provoquée par la
plante fraiche serait dûe essentiellement à la
présence des raphides d'oxalate de calcium qui peuvent
atteindre 1 mm. Les arêtes vives de ces cristaux
altèrent la peau ou les muqueuses et permettent
l'introduction des principes actifs, ce qui provoque
une véritable rubéfaction. Cependant, il existait
autrefois des papiers révulsifs préparés à l'aide de
papier trempé dans la teinture de scille filtrée donc
exempte de cristaux.
9.1.4 Contact oculaire
Les préparations de scille pourraient être très
dangereuses pour l'oeil à cause de leur pouvoir
rubéfiant.
9.1.5 Voie parentérale
Pas de données
9.1.6 Autres voies
Pas de données
9.2 Intoxication chronique
9.2.1 Ingestion
L'intoxication chronique est théoriquement rare
en raison de la demi-vie courte, de l'hydrolyse rapide
et de la faible fixation myocardiaque. Cependant Mason
et al. (1987) rapportent le cas d'une toxicomane ayant
consommé pendant 5 à 8 mois un sirop antitussif à base
d'opium et de scille (3 flacons par jour, dosage non
précisé). Celle-ci présentait des nausées persistantes
avec vomissements fréquents, une bradycardie à 40 bpm,
une faiblesse musculaire; l'ECG montrait un BAV
complet avec des QRS normaux et de nombreuses
extrasystoles ventriculaires. L'arrêt de
l'intoxication a permis la disparition des symptômes
en 12 jours, avec cependant persistance d'un BAV du 1°
degré.
9.2.2 Inhalation
Pas de données
9.2.3 Voie cutanée
Des contacts répétés avec les squames de scille
peuvent aggraver la rubéfaction de la peau.
9.2.4 Contact oculaire
Pas de données.
9.2.5 Voie parentérale
Pas de données.
9.2.6 Autres voies
Pas de données.
9.3 Evolution, pronostic, cause du décès
Le pronostic de l'intoxication aigûe peut être apprécié
dans les heures qui suivent l'admission grâce à plusieurs
facteurs: sexe, âge, dose absorbée, existence d'un bloc
auriculoventriculaire, hyper ou hypokaliémie, antécédents
cardiaques.
La mort survient par fibrillation ventriculaire le plus
souvent, ou par asystolie prolongée ou par insuffisance
circulatoire cardiogénique (Tuncok et al., 1995).
9.4 Description analytique des signes cliniques
9.4.1 Cardiovasculaires
Bradycardie sinusale et troubles de la
repolarisation (cupule digitalique) sont les anomalies
électrocardiographiques les plus fréquentes (Azoyan et
al., 1991).
Ce sont les troubles de la conduction et de
l'excitabilité myocardiques qui font toute la gravité
de l'intoxication:
- Troubles de l'excitabilité: dangereux lorqu'ils se
situent à l'étage ventriculaire. On note des
extrasystoles ventriculaires bigéminées, polymorphes
ou bidirectionnelles et quelquefois des arythmies
ventriculaires.
- Troubles de la conduction: bloc de branches, bloc
auriculoventriculaire.
(Tuncok et al., 1995)
Les anomalies électrocardiographiques régressent très
lentement (Mason et al., 1987; Azoyan et al.,
1991).
9.4.2 Respiratoires
Hypersecretion bronchique
9.4.3 Neurologiques
9.4.3.1 SNC
Assez souvent et de façon précoce
existent une obnubilation et somnolence ou
agitation et angoisse pouvant aller jusqu'au
délire confusionnel avec hallucinations.
Des céphalées, myalgies, une asthénie sont
fréquentes (Mason et al., 1987).
Les troubles oculaires plus fréquents lors de
surdosages sont dûs à une dyschromatopsie
avec auréoles colorées, ou à des scotomes
scintillants ou à une vision floue et
tremblante.
On note quelquefois des crises d'épilepsie
avec ou sans anomalie de l'EEG.
9.4.3.2 Système nerveux périphérique
Pas de données
9.4.3.3 Système nerveux autonome
Action sur les fibres lisses
9.4.3.4 Muscles lisses et muscles striés
Myalgies, faiblesse musculaire
(Mason et al., 1987)
9.4.4 Gastrointestinaux
Vomissements précoces dûs à une excitation des
fibres lisses; douleurs abdominales et diarrhées
peuvent se voir.
9.4.5 Hépatiques
Pas de données
9.4.6 Urinaires
9.4.6.1 Rénaux
Atteinte fonctionnelle soit à cause
de l'action directe sur le rein (Blacque
Belair, 1978), soit à cause des perturbations
hémodynamiques, soit parce que les pertes
digestives ne sont pas compensées.
9.4.6.2 Autres
Pas de données
9.4.7 Système endocrinien et de la reproduction
Pas de données
9.4.8 Dermatologiques
Irritation et rubéfaction de la peau et des
muqueuses dûes aux raphides d'oxalate de Ca de la
plante fraiche et probablement aux autres composants
de la scille.
9.4.9 Yeux et sphère ORL
Troubles oculaires avec vision floue ou
colorée, ou scotomes scintillants ou bourdonnements
d'oreilles.
9.4.10 Hématologiques
Pas de données
9.4.11 Immunologiques
Pas de données
9.4.12 Métaboliques
9.4.12.1 Troubles acido-basiques
Pas de données
9.4.12.2 Troubles hydro-électrolytiques
On note une hyperkaliémie
directement liée à l'inhibition de l'ATPase
membranaire ce qui traduit une déplétion
cellulaire en potassium ou à l'inverse, une
hypokaliemie dans un surdosage chronique de
mauvais pronostic; surveiller la
déshydratation secondaire aux troubles
digestifs.
9.4.12.3 Autres
Pas de données
9.4.13 Réactions allergiques
Pas de données
9.4.14 Autres signes cliniques
Pas de données
9.4.15 Risques particuliers
Pas de données
9.5 Autres
Pas de données
10. TRAITEMENT
10.1 Principes généraux
Lavage gastrique si le malade est vu précocement.
Traitement des troubles électrolytiques: corriger l'hypo ou
l'hyperkaliémie.
Traitement symptomatique des lésions dermatologiques.
Traitement symptomatique par antiarythmiques: puis si
nécessaire par entrainement électrosystolique.
La période d'observation doit être au moins de 24h en unité
de soins intensifs.
10.2 Maintien des fonctions vitales et traitement symptomatique
- Tout intoxiqué doit être hospitalisé, avoir
une voie d'abord veineuse et être placé sous
monitoring cardiaque.
- Assurer la liberté des voies aériennes et
maintenir la respiration.
- Réhydrater si troubles hydroélectrolytiques.
- Corriger la kaliémie si elle est basse.
- Traitement des complications cardiaques:
* de la bradycardie: atropine ou sonde
d'entrainement
* bloc auriculoventriculaire: atropine ou
isoprénaline ou sonde d'entrainement.
* Troubles du rythme ventriculaire: lidocaïne,
phenytoïne et en cas de fibrillation ventriculaire,
choc électrique externe.
10.3 Décontamination
- Evacuer le toxique par lavage gastrique ou
vomissements provoqués (sirop d'Ipeca), si le malade
est vu précocément.
- Administration de charbon activé 1g/kg
- Décontamination de la peau
10.4 Epuration
Inefficace
10.5 Traitement antidotique
10.5.1 Adulte
Cf 10.6
10.5.2 Enfant
Cf 10.6
10.6 Discussion des modalités thérapeutiques
En cas de surdosage massif et de complications
mettant en jeu le pronostic vital, l'utilisation de
fragments Fab d'anticorps antidigoxine pourrait être
discutée. Des travaux ont en effet montré que ceux-
ci se liaient in vitro avec le scilliroside
(Sabouraud et al., 1990; Azoyan et al.,
1991).
11. ILLUSTRATION PAR DES CAS CLINIQUES
11.1 Cas de la littérature
- Un homme de 43 ans, indemne de toute
pathologie cardiaque, ingère volontairement 12 mg de
scilliroside. Des vomissements abondants et répétés
surviennent quelques minutes après la prise; ils
vont persister pendant 48 heures. L'évolution sera
marquée par l'apparition d'un bloc
auriculoventriculaire complet qui ne disparaitra
qu'au 4° jour de l'intoxication. Les troubles de la
repolarisation témoignant de l'imprégnation
digitalique persisteront encore plus longtemps et
n'auront complètement régressé que 12 jours après la
prise (Azoyan et al., 1991).
- Une femme de 55 ans ayant pour antécédents une
hypothyroidie, ingère deux bulbes de scille, indiqué
dans l'arthrose en médecine populaire. Une heure
après, elle présente des signes d'intoxication
typiques des digitaliques: nausées, vomissements,
convulsions, hyperkaliémie, bloc
auriculoventriculaire. Un dosage sanguin de digoxine
par méthode immunoenzymatique est à 1,59 ng/ml.
Malgré un traitement symptomatique et la mise en
place d'un entrainement électrosystolique, la
patiente décède 30 heures après l'ingestion dans un
tableau d'arrythmie ventriculaire irréversible
(Tuncok et al., 1995).
- Mason et al. (1987) rapportent un cas
d'intoxication chronique (8 mois) à la scille dans
le cadre d'une toxicomanie à un sirop antitussif
contenant un opiacé et des extraits de scille, chez
une femme de 21 ans. Celle-ci présente des troubles
digestifs, une bradycardie, un bloc
auriculoventriculaire complet, de nombreuses
extrasystoles ventriculaires et une faiblesse
musculaire sans déficit sensitif; les CPK sont à 675
UI/l. Après arrêt du traitement, les troubles
régressent progressivement sur 8 jours; cependant 12
jours plus tard persiste encore un bloc du 1° degré.
La digoxinémie apparente à l'entrée est à 0,5
nmol/l.
12. INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
12.1 Mesures préventives spécifiques
Dans les régions ou la plante pousse à l'état
endémique informer la population sur le danger de
son utilisation et de sa manipulation.
12.2 Autres
Pas de données
13. REFERENCES
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Jersey, Merck and co, Inc
14. AUTEUR(S), LECTEUR(S), ADRESSES, DATES
Auteur: R. Merad
Centre Anti-Poisons
CHU Bab-El-Oued
Bd Said Touati
Alger
Algérie
Septembre 1991
Groupe d'acceptation: R Bédry, R Merad, V Murray,
J Pronczuck
14 novembre 1991
Mise à jour/Edition: MO Rambourg Schepens
Décembre 1997